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PHOTOS: MICHAËL BERGER

LECTEURS À L'AVENTURE - AU ROYAUME DES TROGLODYTES

UN RÉCIT DE MICHAËL BERGER

Publié le 23 février 2018,

L'univers du troglodytisme (le fait de vivre dans des excavations souterraines naturelles ou artificielles) est présent sur tous les continents, et ce, depuis que l'humanité existe. Bien sûr, nos ancêtres, les néandertaliens et les Cro-Magnon ont trouvé refuge à l'entrée des grottes pour se protéger et se mettre à l'abri, mais sachez qu'il existe des millions d’humains qui vivent encore en « troglo » (diminutif utilisé pour nommer les habitations troglodytiques) au XXIe siècle. Un univers très peu connu au Québec, constitué de beaucoup de vestiges, mais aussi d'un riche patrimoine parfois rénové et habité dans plusieurs pays composé de villages, d'habitations, de lieux de culte, de fermes, de cimetières, de châteaux, de forteresses, de lieux d'hébergement, de restaurants, etc. Sans compter, toutes les nouvelles constructions contemporaines conçues pour se nicher sous terre pour ses avantages écologiques qui font aussi partie de l'espace troglodytique.

Mon parcours troglodytique débuta en France en juin 1984, lorsque j'ai été initié à séjourner dans ce type d’habitation avec ma famille dans la région de Saumur et à vivre pleinement comme un troglodyte (celui qui habite le troglo). 

Façade d’une habitation creusée à Rochemenier (France)

Dès que je suis entré à La Fosse, dans cette ferme de 32 pièces entièrement creusée dans le tuffeau (pierre tendre faite d'anciens fonds marins) au XIXe siècle, ce fut le coup de foudre qui a grandi avec les années pour devenir cette passion personnelle qui m'a mené à explorer en profondeur ce vaste monde souterrain dans différents pays. Ainsi, cet univers fabuleux nous permet de découvrir l'architecture organique, l'histoire de différents peuples et leurs cultures, l'histoire de l'art, l'archéologie, la géologie, l'art de vivre en troglo, le mode de vie du troglodyte, etc.

Durant mes multiples parcours, je pars à la recherche de sites troglodytiques en voiture, parfois en vélo ou en bateau et très souvent à pied situés en montagne, sur le bord des cours d'eau, dans les falaises de mer, en plaine, dans le désert ou encore sous les villes. Après avoir ciblé une région troglodytique, je planifie un itinéraire pour y résider plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour découvrir au maximum ces lieux en visitant des sites abandonnés ou encore habités, en fréquentant hébergements et restaurants en troglo et surtout en rencontrant le troglodyte pour connaître et pour vivre au cœur même de ces lieux incroyables. Un dicton troglodytique dit : « pour vivre heureux, vivre caché », mais la porte de sa maison est toujours grande ouverte. Le type troglodyte est convivial et réputé en France pour aimer la fête. Après une douzaine de voyages sur ce même thème en Espagne, en Italie, en Grèce, en Tunisie et surtout en France (où il existe la plus forte concentration en Europe), je garde de magnifiques souvenirs de ces maisons bien intégrées à leur environnement et de ceux qui l'habitent.

J'ai choisi de raconter quelques régions troglodytiques que j'ai grandement appréciées.


 

Vestiges d'anciens troglos à Arguedas (Espagne)

Le nord de l'Espagne

En septembre 2015, je pars avec mon amie Marielle explorer la région troglodytique de Valtierra et d'Arguedas dans le nord de l'Espagne. Le village de Valtierra est situé dans une région désertique près du majestueux Parc Naturel des Bardenas Reales dans la vallée de l'Èbre (Navarre). Dans un environnement aride et dénudé, ces habitations creusées (cuevas) dans une falaise sont souvent entourées d'agaves, de cactus et de plantes alpines. Un beau coteau troglodytique encore bien vivant en ce XXIe siècle où la fraîcheur de l'habitat souterrain est très appréciée durant les chauds étés. Il existe un confortable hôtel troglodytique à Valtierra : Las Casas Cueva Bardenas. À quatre kilomètres de là, se loge dans cette même falaise calcaire, un ancien village rupestre sur plusieurs niveaux nommé Arguedas. Un village abandonné dans les années 1960 par des centaines de troglodytes, qui fut creusé dès la fin du XIVe siècle par des gens modestes n'ayant pas les moyens d'acquérir une maison de brique ou de pierre. Ces cuevas étaient creusés à la main avec des outils rudimentaires et leur conception s'avérait très ingénieuse. Il fallait creuser l'entrée et deux pièces principales : la cuisine et la chambre matrimoniale, une en face de l'autre. À l'arrivée d'un enfant, les parents creusaient une nouvelle pièce. J'ai beaucoup aimé explorer et admirer ces vestiges où l'on peut se rendre compte que ces habitats étaient fonctionnels et confortables.


 

Vue sur le village d'Oia (Grèce)

L'île de Santorin

J'étais fébrile un soir de pleine lune lors de mon atterrissage sur l'île de Santorin (Théra) pour pouvoir vivre pleinement ce rêve troglodytique dans la mer d'Égée, un paradis terrestre dans le sud de la Grèce. Située dans l'archipel des Cyclades, cette île volcanique fut habitée dès la préhistoire dans des villages perchés à plus de 150 mètres au-dessus de la mer. Des villages troglodytiques tous blanchis à la chaux (ce qui renvoie 90 % des rayons solaires)  sertis dans un décor sauvage aux falaises abruptes rouges et noires. Suspendue entre ciel et mer, cette île baigne dans une mer intérieure bleu foncé nommée caldeira, qui est considérée comme la plus grande du monde. Cette mer intérieure fut formée après une terrible éruption volcanique, il y a 3 600 ans. Le tiers de l'île s'enfonça dans la mer ce qui créa un immense bassin au cœur de l'île (cratère d'effondrement). Oia (ia en grec) est sûrement le plus beau village de l'île orné de moulins à vent et de coupoles bleu vif. Par contre, cette jolie bourgade semi-troglodytique est très touristique surtout le jour lorsque les centaines de touristes débarquent de leur paquebot de croisière pour envahir les ruelles du village. Pendant ce temps, j'allais prendre du soleil sur les belles plages de sable noir presque désertes (il fait toujours soleil) et nager dans cette mer chaude. À la fin de journée, je revenais à mon habitation creusée en forme de voûte de type traditionnel appelée scafta, pour pouvoir admirer le beau panorama de mon petit patio. Ici, au coucher du soleil, c'est la fête. Des centaines de personnes s'accrochent à la colline d'Oia dans un dédale d'escaliers, de terrasses et de balcons des cave houses et attendent ce spectaculaire coucher de soleil (les plus beaux du monde, dit-on). Les bateaux voguent vers l'ouest et lorsque le soleil disparaît dans la mer, des cris de joie se font entendre. Mon vécu de troglodyte grec (26 jours) dans cet écrin de beauté fut un grand ressourcement pour l'âme.


 

Vue sur Matera (Italie)

Matera et ses environs

Vivre une semaine dans un sassi au cœur de Matera est une expérience inoubliable. Cette magnifique cité troglodytique de la Basilicate serait la deuxième plus ancienne ville organisée après Pétra en Jordanie (que je convoite de visiter). Des milliers de maisons (sassi en italien) furent excavées dans la colline de tuf entre le VIIIe et le XIIe siècle, où résidaient environ 18 000 troglodytes jusque dans les années 1950. Ces centaines habitations rupestres étagées sur 10 niveaux sont situées devant un immense parc naturel séparé par un ravin de 40 mètres de profondeur. L’environnement de ces lieux est extraordinaire. Un vrai voyage dans le temps entouré d’un enchantement de pierre et de végétation! Matera est une ville de Palestine égarée au sud de l'Italie. L'architecture de la cité semi-troglodytique présente de superbes devantures de pierre taillée en arcade, d'exceptionnelles églises rupestres et d'innombrables escaliers (après une semaine d'exploration dans cette ville escarpée, vous sentez bien les muscles de vos jambes!). Il est facile de s'imprégner de son histoire dans ses murs et ses cavités où plusieurs peuples se sont succédés, de l'ère paléolithique jusqu'aujourd'hui (10 000 ans). Depuis plus de 30 ans, plusieurs efforts sont mis en place pour restaurer et pour redonner vie à Matera avec habitations, hôtels, chambres d'hôtes, trattorias et salles d'exposition. Un séjour magique que j'aimerais répéter à l'hôtel Le Dodici Lune (Les Douze Lunes) dans le quartier Sasso Caveoso.


 

Vue sur l'ancien ksar citadelle de Chenini (Tunisie)

Aux portes du désert

Ce parcours en Afrique du Nord, au royaume des troglodytes, se voulait un environnement différent des nombreux pays européens déjà visités et pour vivre un réel dépaysement. J’ai vraiment été choyé aux portes du désert, dans le sud de la Tunisie. Mes trois coups de cœur sont Tijma près Matmata Ancienne, Douiret Antique et Chenini près de Tataouine. Ces régions habitées par les Berbères depuis fort longtemps sont propices au troglodytisme qui fait partie intégrante de leur mode de vie. J'ai habité dans cinq confortables troglos chaulés pendant un périple d'un mois dans un décor dépouillé avec coffres, coussins et tapis colorés aux motifs traditionnels. En après-midi, la fraîche habitation souterraine est grandement appréciée pour s'y réfugier sous un soleil ardent de 40° Celsius (maison isotherme). Les villageois y ressortent en fin de journée pour socialiser, échanger, boire du café et manger. Malgré le peu de moyens financiers, les troglodytes du désert se sont adaptés à leur environnement aride et sec (il n'avait pas plu depuis 13 mois lors de mon séjour). Le village de Tijma est situé derrière les contreforts de la chaîne du Dahar où se cachent dans ses dunes les habitations troglodytiques. Elles sont creusées horizontalement dans la terre argileuse (et non dans la pierre) à l'intérieur d'un cratère de six à dix mètres de haut de forme circulaire ou carrée. Vus de haut, ces multiples cratères regroupés forment une vraie fourmilière humaine.

Le ksar, citadelle fortifiée, de Chenini (XIe siècle) est un ensemble de greniers installé sur une crête pour se protéger des attaques et conserver le fruit des récoltes. Une exploration des plus fascinantes dans les cavernes d'Ali-Baba où l'intérieur de ces cellules est rempli de jarres en terre cuite et de paniers en feuilles de palmier. Ces vestiges sont hallucinants au coucher du soleil lorsque toutes les pierres deviennent dorées, le photographe en moi fut comblé. Deux hébergements troglodytiques que j'ai adorés au pays du dromadaire et du cobra : le Gîte de Douiret à Douiret Antique et la résidence Kenza à Chenini.


 

La falaise de mer habitée à Meshers-sur-Gironde (France)

Sur le bord de la Gironde

Située dans le sud-ouest de la France (Charente-Maritime), la côte de Beauté offre des falaises blanches de calcaire qui surplombent près de trente mètres l'estuaire de la Gironde. Plusieurs logements furent creusés au fil des siècles dans cette falaise qui forma une véritable cité troglodytique. Certaines de ces habitations sont des propriétés privées, d'autres, comme les Grottes de Matata et de Régulus, sont aujourd'hui des musées expliquant l'histoire de Meschers-sur-Gironde. Sous un doux climat océanique, j'ai séjourné dans un charmant troglo de falaise face à la mer (avec tout le confort contemporain) et j'ai parcouru le coteau sur plusieurs kilomètres qui est troué de grottes servant aux pêcheurs du village. C'est une magnifique falaise incrustée de coquillages encore habitée que j'ai pu photographier en bateau sur les eaux de l'estuaire (le plus grand estuaire sauvage d'Europe).


 

Le Troglo-Gîte à Villaines-les-Rochers (France)

La vallée de la Loire 

L'Anjou et la Touraine sont des régions françaises qui comptent d'innombrables sites et villages troglodytiques. On y retrouve en Anjou, plusieurs habitations appelées de coteau ou de falaise qui ont été creusées par l'homme dans le tuffeau, le long de la Loire ou de ses affluents. Souvent ces cavités ont servi à extraire la belle roche blanche pour construire les châteaux, les églises et les maisons des villages. Ces anciennes carrières ont souvent été aménagées par des paysans avec cheminées, portes et fenêtres pour les habiter. De plus, au même moment, des nobles firent aussi creuser des châteaux et de majestueuses demeures souterraines pour se protéger en cas d'invasion. L'Anjou possède aussi, loin des cours d'eau, des troglos de plaine qui furent creusés à partir d'une fosse de trois à quatre mètres de profond appelée carrie, pour creuser ensuite à l'horizontale les pièces constituant l'habitation. J'ai exploré plusieurs villages ou lieux-dits troglodytiques en Anjou (c'était mon neuvième séjour lors de mon dernier voyage). Les plus merveilleux à parcourir à pied ou à vélo sont Souzay, Turquant et Montsoreau sur le bord de la Loire en direction de Tours. Les villages de troglo de plaine à Rochemenier (entièrement souterrain il y a à peine cent ans) et à Doué-la-Fontaine sont fabuleux pour leur quantité et leur qualité. Sans oublier, tous ces bourgs et leur campagne angevine souvent au patrimoine troglodytique mi-restauré qui ont tellement de charmes. En partant de Doué en direction d'Angers, vous pourriez découvrir : Forges, Louerre, Grésillé, St-Georges-des-Sept-Voies et Coutures pour ne nommer que ceux-là. Habiter un troglo  est  une  expérience  unique,  confortable  et  mystique.

J'y dors comme un loir, loin du bruit et de la lumière.

 

Mes restaurants troglodytiques préférés dans la vallée de la Loire

Pour déguster le repas traditionnel des troglodytes avec galipettes et fouées (petits pains gonflés au four à bois) :

>   Le Caveau à Doué-la-Fontaine;
>   La Cave de la Genevraie à Rochemenier ;
>   Les Caves de Marson à Rou-Marson;
>   Les Cathédrales de la Saulaie à Doué-la-Fontaine.

Pour déguster une excellente cuisine régionale dans des décors exceptionnels :

>   L'Hélianthe à Turquant;
>   Les Grottes à Azay-le-Rideau;
>   Les Caves de la Croix Verte à Pocé-sur-Cisse;
>   La Cave à Montlouis-sur-Loire.

Mes hébergements troglodytiques préférés dans la vallée de la Loire

>   Farfadine & Troglos à Doué-la-Fontaine;
>   Troglodélice à Azay-le-Rideau;
>   Troglo-Gîte à Villaines-les-Rochers;
>   La Petite Troglo à Parnay;
>   Chez Hélène à Nazelles;
>   Le Figuier des Badinons à Azay-le-Rideau.

 


À PROPOS DE L’AUTEUR

Depuis ma tendre enfance, je voue une fascination pour tout ce qui est l'univers souterrain : gnomes, hobbits, Ali-Baba, terriers d'animaux, etc. Après avoir été initié à ce monde il y a 34 ans, j'ai voulu approfondir cette quête sur notre belle planète en explorant ses régions offrant ce merveilleux patrimoine troglodytique. Pour combler mon côté archéologue et ethnologue, je rêve de deux voyages d'exploration de quelques mois, l'un en Cappadoce en Turquie et l'autre sur le Plateau de Lœss dans le nord de la Chine. Je voudrais aussi poursuivre tous les projets de constructions d'habitats souterrains en forêt dans les Cantons-de-l'Est chez Entre Cîmes et Racines. Cette entreprise touristique permet d’introduire ce concept bien adapté au Québec tout en permettant au voyageur de passage la possibilité de vivre l'expérience en troglo en toute saison. Je crois que l'architecture du futur de notre planète passera tout naturellement par l'habitation sous terre.


 

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