Article plein air d'ailleurs

photos James Jackson

SUR LA HAUTE ROUTE DES GLACIERS

AILLEURS / EUROPE / CHAMONIX-ZERMATT

Publié le 1 décembre 2010, par Jean-Luc Brassard

AU PROGRAMME: 75KM DE RANDONNÉE À SKI, 11 COLS DE MONTAGNE À FRANCHIR, 15 GLACIERS À TRAVERSER, UNE INCURSION DANS 3 PAYS. LE TOUT EN UNE PETITE SEMAINE, À PLUS DE 3 000 MÈTRES D’ALTITUDE! BIENVENUE SUR LA HAUTE ROUTE CHAMONIX-ZERMATT!

Notre Haute Route commence au sommet du téléphérique des Grands Montets, en France. Pendant la traversée sans encombre du glacier d’Argentière en ski alpin, la contemplation est déjà de tous les instants. Ceinturée par des murailles rocheuses de mille mètres, cette immense masse de glace de plus de dix kilomètres de long laisse pantois. Nous n’allons en traverser qu’une infime partie en direction du refuge d’Argentière, premier arrêt de notre expédition à ski. À peine arrivés, Hervé notre guide ainsi que Dominique notre hôte, planifient un aller-retour rapide vers le glacier voisin des Améthystes, question de s’acclimater davantage au parcours et à l’altitude. Je décide de les accompagner pour profiter des splendides points de vue que la haute montagne promet. À cette heure de mi-journée, le soleil d’avril plombe ardemment, entraînant la température à plus de 10 degrés. La chaleur ainsi jumelée à l’effort s’accentue à chaque mètre gagné et m’oblige à m’arrêter fréquemment forçant à l’attente les compagnons qui me précèdent. J’ai le souffle court, le ventre creux et un mal de tête qui m’amène à me questionner sur le programme à venir.

Dormir «collés serrés» dans des dortoirs pouvant accueillir jusqu’à 14 personnes, se réveiller aux aurores et se coucher à l’heure des poupons sont les dures réalités de ce type d’expédition. En contrepartie, admirer les millions d’étoiles dans un ciel sans lumière artificielle et voir les montagnes s’embraser à la lueur des premiers rayons du soleil levant, tels sont les émerveillements de tous les instants que procure la Haute Route.

Au lendemain de notre première nuit en montagne, survient déjà notre premier changement d’itinéraire. Les guides potent pour le col du Passon plutôt que celui du Chardonnet. En le contournant, on comprend pourquoi: l’abîme créé par la fonte de la masse glacière pourrait facilement contenir un édifice de dix étages!

Mais le Passon s’avère autrement difficile. Cette longue approche en diagonale sur une pente verglacée nous oblige à installer les «couteaux» à glace – sorte de crampons pour ski – sous nos fixations. Cette traction ainsi obtenue permet de défier les pentes les plus inclinées, surplombant d’une centaine de mètres les séracs du glacier d’Argentière que nous venons de quitter. Le guide est vigilant et nous parlons peu, car il n’y a ici nulle place à l’erreur en cette frileuse matinée.

Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Au sommet de la pente, se dresse un mur rocheux d’environ cent mètres dans lequel un col central permet de compléter l’ascension. Les skis devront faire place aux crampons de marche et le piolet d’escalade devra se substituer au bâton de ski. À presque 3 000 mètres d’altitude, dans une pente à 45 degrés, rien ne presse.

Suivra la traversée des immenses glaciers du Tour, en France, et du Trient, en Suisse. Une fois franchi le petit col des Ecandies, c’est skis aux pieds que nous amorçons l’inoubliable et spectaculaire descente de la vallée de l’Arpette où des kilomètres de pentes nous dirigent vers le confortable refuge de l’endroit.

Modernisme oblige, le taxi nous dépose à la base des remontées mécaniques de la station valaisanne de Verbier. Au fond des vallées suisses, c’est déjà l’été et la verdure des pâturages contraste avec les sommets d’une blancheur immaculée. S’enchaînent les cols de la Chaux, puis de Momin où la vue se mériterait 12 étoiles au guide Michelin! Suivent les glaciers aux noms évocateurs de «Grand Désert» et de «PraFleuri». Incapable de résister à l’appel du sommet de Rosablanche, je m’absente du groupe pour en faire l’ascension. La récompense de cette escapade est majestueuse: une mer de sommets alpins à perte de paysage.

Le lendemain, aux aurores, nous gravissons le col des Roux. Cette longue traversée se fait parallèlement au lac du Barrage des Dix, d’un gigantisme enivrant. Suit la longue montée vers la cabane des Dix. Après des heures d’effort sous un soleil ardent, la fringale et la chaleur m’assaillent à nouveau. Pourtant nous ne sommes plus qu’à 45 minutes du promontoire où se situe notre halte, mais la force n’y est plus.

C’est à coup de friandises sucrées que j’atteins finalement ce refuge légendaire, carrefour de plusieurs itinéraires. Il y a foule, chacun y faisant sécher vêtements et équipements. Véritable rassemblement de passionnés de montagne, les histoires, farces et anecdotes se succèdent dans la bonne humeur. La nuit tombée, je me félicite d’avoir apporté des bouchons pour mieux dormir car un refuge aussi plein est synonyme de bruit constant, même la nuit! Au petit matin, une fois le thé de marche bien accroché au sac à dos, c’est avec une certaine appréhension que nous observons le glacier de la Serpentine. Avec ses crevasses géantes et ses ravins sans merci, c’est une longue et difficile ascension verticale de près d’un kilomètre qui s’annonce. Après un faux plat vers la cascade de glace – rien pour atténuer nos doutes – les segments de pente raide se présentent froidement. Dès lors, la montée en peaux d’ascension avec «couteaux» – pour bien s’accrocher – s’effectue en diagonale de manière à diminuer l’effort déployé. Mais comme cette stratégie ne peut être infinie, il faut savoir maîtriser la conversion – sorte de virage à 180 degrés. D’apparence simple, la manœuvre demande toutefois beaucoup de dextérité. Des heures durant, nous montons ainsi dans une succession de traverses et de conversions dont la grâce d’exécution produirait un excellent film comique!

Une fois atteint, le sommet du Pigne d’Arolla est noyé dans d’épais nuages. Cette déception de ne pouvoir profiter du renommé point de vue est de courte durée car la descente du glacier opposé nous mènera sous une spectaculaire barre de sérac, puis à la cabane des Vignettes pour y déguster de succulents Rösti – plat national suisse constitué d’œufs, de pommes de terre, de lard et d’oignons – avant d’y passer la nuit.

Le lendemain, les 12 kilomètres d’itinéraire ne sont que pur bonheur. On s’offre une incursion en Italie par le col de l’Évêque et l’extraordinaire descente du haut glacier d’Arolla, que certains comparent avantageusement à la descente de la Vallée Blanche de Chamonix. Se mérite ensuite la montée vers le refuge de Bertol. Juché sur un piton rocheux à 3311 mètres d’altitude, ce nid d’aigle peut occasionner certains problèmes de sommeil.

Dernier droit avant Zermatt, l’immense glacier de Mont Miné que nous traversons depuis plusieurs heures permet de superbes photos. Puis une fois arrivés au col d’Hérens, le paysage valaisan s’offre en apothéose.

Dès lors, ce ne sera plus que pente descendante jusqu’à Zermatt mais pour y arriver, nous devrons skier sur trois autres glaciers et glisser entre certaines crevasses! Après une semaine d’émerveillement en quasi-solitude, le retour dans la mégapole(!) de 6 000 habitants est certes difficile. Mais le repos du guerrier, fort apprécié!

Volume - 6

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