DÉFI KAYAK DESGAGNÉS (TROISIÈME PARTIE)

Avec 128 000 dollars canadiens recueillis au profit de Jeunes Musiciens du Monde par les 90 participants à la troisième édition du Défi Kayak Desgagnés, ils pouvaient bien se dire « mission accomplie » dimanche soir. À l’arrivée dans la baie de Beauport à Québec, leur deuxième « mission » se terminait aussi avec une fierté aussi collective que personnelle : avoir complété le trajet Montréal-Québec à grands coups de pagaie en quatre jours seulement ! Certains ont fait le calcul : pas loin de 100 000 coups de pagaie dans la voie maritime du Saint-Laurent pour cette randonnée en kayak de mer considérée comme la plus longue au monde.

Le départ de la dernière étape avait été donné dès 8 h dimanche dans la marina de Portneuf. La nuit sous tente avait été orageuse. La matinée s’annonçait difficile avec la marée encore un peu montante sur le fleuve, un vent fort annoncé et une trentaine de kilomètres à parcourir avant l’heure du lunch.

Bonne surprise : le vent nous pousse dans le dos et le courant aidant, nous naviguons à 12-13 km/h mais, en échange, les vagues se gonflent. Certains sont plus à l’aise que d’autres dans cet environnement aquatique très « mouvant ». Un guide nous conseille, pour économiser nos énergies, de pagayer fort sur le devant de la vague pour profiter d’elle et de ne pas forcer dans le creux de la vague… Et ça marche, au point que cela donne du piquant à l’aventure, à force de chercher à surfer sur la meilleure vague…

Déjà, on aperçoit au loin les ponts de Québec. Avant Neuville, sur la rive nord, une régate de grands voiliers nous empêche de rejoindre rapidement la rive où nous devons luncher. C’est en groupe serré que nous serons finalement autorisés à le faire, encadrés par de beaux voiliers. Le temps est magnifique et, à 14 heures, on réembarque dans les kayaks. Il reste encore une trentaine de kilomètres. L’atmosphère est fébrile : nous devons être à la baie de Beauport avant 17h30. L’excitation est à son comble et le rythme des pagaies très soutenu. Les ponts de Québec se rapprochent à la vitesse d’une tortue. Pour le moral, mieux vaut regarder les bouées de la voie maritime qu’on dépasse à la vitesse de « lièvres »…

La première ligne d’arrivée du Défi Kayak Desgagnés est clairement pour tous l’impressionnant passage sous les ponts de Québec. Il faudra encore une heure ensuite pour atteindre le but ultime. Les muscles des bras, les trapèzes et les dorsaux, les cuisses et les fessiers, les abdominaux sont sous tension extrême pour beaucoup. On se réjouit de profiter d’un bon courant, de la marée descendante et d’un vent arrière… La « tête » du Château Frontenac émerge déjà au loin de la Plaine d’Abraham. Nous longeons la belle promenade de Champlain, puis les installations du port de Québec, le bassin Brown. C’est sous escorte de la Garde Côtière que nous passons devant le Vieux-Québec. Le traversier Québec-Lévis a interrompu ses opérations quelques minutes, le temps que défile notre équipage.

Tout va très vite ensuite. Dans un dernier sursaut d’ardeur, les kayakistes accélèrent le rythme. Il est 17h30 passés et tout le monde a hâte de retrouver parents et amis. Il nous attendent, avec tous les dévoués bénévoles que compte cette « expédition » hors normes, sur la plage de la baie de Beauport. Un dernier virage et elle se découvre, cette fameuse plage. C’est la fin d’un rêve; le début du souvenir, celui d’une folle équipée. On songe à ces 1 200 jeunes de milieux défavorisés qui, espère-t-on, auront aussi cette année leurs propres rêves, grâce aux fonds amassés, avec la musique pour vecteur d’accomplissement personnel.