Article plein air au Québec
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Publié le 1 décembre 2012, par David Riendeau
LES MUSHERS SONT LES VÉRITABLES MAÎTRES DE LA FORÊT BORÉALE. L’HIVER VENU, CES PASSIONNÉS PARCOURENT DES CENTAINES DE KILOMÈTRES SUR LEUR TRAÎNEAU TIRÉ PAR D’INFATIGABLES CHIENS ISSUS D’UNE RACE PROCHE DU LOUP. AFIN DE VIVRE UNE INCURSION DANS CE SPORT HISTORIQUE, DÉCOUVERTES VOUS INVITE À PRENDRE PLACE DERRIÈRE LE TRAÎNEAU AUX CÔTÉS DE MUSHERS EXPÉRIMENTÉS, LE TEMPS D’UNE BALADE À TRAVERS LES PAYSAGES DU LAC-SAINT-JEAN.DES CHIENS ET DES HOMMES
ICI / AU QUÉBEC
Par un samedi matin de janvier, une douzaine de mushers se réunissent à l’Ascension au Lac-Saint-Jean pour une randonnée de 30km en forêt. Quelques 80 magnifiques chiens sont attelés aux traîneaux de bois. Ils aboient et sautillent d’impatience.
D’un seul mot de commande, l’attelage de onze chiens huskys de Robin Côté s’élance dans le sentier recouvert d’une épaisse couche de neige poudreuse. «Il faut tracer la voie», annonce le musher. Pedro, le chien de tête, bondit et entraîne ses compagnons toujours plus en avant. Ils en ont jusqu’au poitrail. Avec de fortes rafales de vent, la température frôle les -30°C, mais Robin a l’habitude des froids rigoureux de l’hiver. En fait, rarement se sent-il aussi libre qu’en ce moment.
Les traîneaux s’engagent sur l’étendue gelée de la Péribonka, un des principaux affluents du lac Saint-Jean. Les aboiements des chiens des attelages derrière se perdent dans l’immensité du blanc paysage. «Sans plusieurs années d’entraînement, je ne réussirais pas à ouvrir avec mes chiens un chemin dans un demi-mètre de neige ni parcourir des dizaines de kilomètres par jour. Ils m’apportent tout ce que je leur ai donné», confie Robin Côté. La force des bêtes est surprenante. Bien entraîné, un husky adulte peut tirer l’équivalent de son propre poids pendant dix heures. Une véritable performance d’athlète!
Cheville ouvrière de la conquête des deux pôles, le chien de traîneau, qu’il soit un husky sibérien, un croisé alaskan, un samoyède ou un groenlandais, a permis à l’homme des régions nordiques de survivre dans un milieu aux conditions hostiles. Pas étonnant que la complicité entre le musher et sa meute soit si forte.
Autrefois appelés les «marcheurs» pour la commande «marche» qu’ils ordonnaient à leurs bêtes, les mushers sont derrière la ruée vers l’or au Yukon et en Alaska.
Au Québec, environ 1000 mushers élèvent leur meute, construisent leur chenil et fabriquent leur propre traîneau avec la patience d’un vigneron.Certains accueillent les touristes pour une randonnée ou se dédient à la course. D’autres cultivent leur goût pour l’expédition. Mathieu Gagné est un digne représentant de cette race d’aventuriers. Le fait que son grand-père fut coureur des bois n’y est peut-être pas étranger. Chaque hiver, sa meute et lui parcourent entre 2000 et 3000km sur les vieux sentiers forestiers qui quadrillent la forêt boréale. Opérateur de machinerie lourde durant l’été, l’éleveur et père de famille a décidé de ne pas travailler l’hiver pour effectuer le plus de randonnées possible. «J’ai fait le choix d’être un peu moins riche pour vivre ma passion jusqu’au bout», explique-t-il.
L’année dernière, Mathieu, Robin et un troisième compagnon sont partis pour une expédition de 1000km en 18 jours dans l’immense forêt boréale. Une telle équipée demande une préparation minutieuse où chaque détail compte, à commencer par la nourriture des chiens. Un chien adulte de 60 livres consomme 3 livres de viande par jour.
Les mushers du Club Jeannois, duquel font partie Mathieu et Robin, accordent une grande importance à l’entraînement des chiens. Dès sa naissance, le chiot est habitué à la présence de la meute et du maître. À trois mois, il tire seul son premier traîneau sur une distance de 500m. Puis, le musher l’amène à confronter tous les types de sentiers et de conditions météorologiques. Les éleveurs de chiens de traîneaux sont à la fois dépisteurs, soigneurs et coachs de leur équipe.
Après trois heures de randonnée à travers les pinèdes enneigées, les randonneurs marquent une pause dans un abri pour se réchauffer près du poêle que l’on s’empresse d’allumer. Rapidement, le bon feu, la soupe fumante, les blagues des camarades habitués au grand air finissent par dérober un sourire aux mushers qui ont éprouvé plus de mal avec leurs chiens. Les éleveurs s’échangent quelques conseils avant de repartir dans la forêt silencieuse.
En fin de journée, les traîneaux franchissent de nouveau la Péribonka sous un magnifique coucher de soleil. La randonnée se termine à la brunante. Les mushers démontent l’attelage sous les phares des camionnettes. Malgré la fatigue et le mercure qui descend toujours, un sourire illumine le visage des éleveurs: leurs chiens ont bien travaillé.
Un musher du village de l’Ascension, Richard Harvey, reçoit tout le groupe à souper. La fameuse tourtière du Lac satisfait les appétits de loup. Les anecdotes, les taquineries, les éclats de rire fusent de partout. Une autre belle journée vient de se terminer pour les maîtres de la forêt boréale.
Volume - 10