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Photo: Bernard Voyer

ENTRETIEN AVEC BERNARD VOYER, COLLECTIONNEUR DE SOMMETS

ENTREVUE / BERNARD VOYER

Publié le 19 octobre 2018, par Magazine Découvertes

DEPUIS PLUS DE 30 ANS, BERNARD VOYER PARCOURT LA PLANÈTE EN QUÊTE DE DÉFIS ET D’AVENTURES. SES EXPÉDITIONS L’ONT MENÉ DU PÔLE NORD AU PÔLE SUD EN PASSANT PAR LES SOMMETS DES SEPT CONTINENTS. AU FIL DES ANS SE DESSINE AINSI UNE VÉRITABLE AVENTURE À LA FOIS HUMAINE, SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE.


Vous êtes né à rimouski, au bord de la mer. comment un homme du fleuve devient-il homme des montagnes?

«C’est en regardant l’horizon fluvial que j’ai commencé à m’interroger sur ce qui se passait au delà de l’horizon. Grimper dans les arbres ou sur les rochers aidait peut-être à voir plus loin, mais ne répondait pas à ma question. J’ai grimpé les sept ou huit mètres du Rocher Blanc, là où nous avions un chalet au bord de la mer. Je devais avoir cinq ans. À son sommet, je me sentais grand et fort. J’étais bien là-haut. J’avais déjà ce sentiment d’avoir réussi quelque chose. Entre le Rocher Blanc et l’Everest, il s’est passé plusieurs décennies. On peut donc dire que j’ai consacré une grande partie de ma vie à courir après l’horizon. Petit, je n’aimais pas la chaleur. J’ai toujours été attiré par le froid. Les montagnes se sont imposées d’elles-mêmes sur mon parcours.»


Quel a été l’élément déclencheur qui a fait de vous l’explorateur que vous êtes?

«Mes parents n’étaient ni sportifs ni même aventuriers. Disons que je ne me rappelle pas qu’il y ait eu un déclencheur. Tout s’est imposé naturellement dans une démarche assez solitaire. Il y avait bien sûr la lecture des Tintin et des Bob Morane, la télévision scolaire et les récits du Père Ambroise, les chansons Vigneault et sa poésie de l’hiver. Je me rappelle aussi un prof de géographie qui disait «Ceux qui un jour auront la chance de gravir le Kilimandjaro en Afrique comprendront la grande différence existant entre la flore et la faune à la base d’une montagne et celle en son sommet. L’ascension débutera au milieu des fougères géantes, des éléphants et des singes pour se terminer sur les glaces des hauteurs». Ça m’avait marqué. Je voulais voir par moi-même.»


L’hiver est certainement votre saison préférée?

«Il faut comprendre que ce qui me motive, ce qui est ma ligne directrice, ma ligne de vie même, c’est la neige. Elle a guidé ma vie: toutes mes expéditions ont un lien avec la neige. J’ai donc fait les pôles, les grandes calottes glaciaires, le Groenland, la Terre de Baffin, l’Ellesmere… Après avoir vécu sur ses grandes étendues de glace et endroits les plus froids de la planète, j’ai voulu découvrir la neige qui ne connaît pas le vertige, celle au sommet des hautes montagnes. C’était un parcours naturel.»


Vous donnez-vous toujours des défis dans la vie? Est-ce un besoin viscéral que de vous surprendre vous-même?

«Non pas nécessairement. Certaines fois oui. Mais aujourd’hui, ceci dit sans aucune prétention, je me sens comme quelqu’un d’accompli. Je m’explique. J’ai toujours eu de grands rêves dans la vie. Il y avait des choses que je voulais faire absolument et je calcule que j’ai été au bout de mes rêves, des priorités que je m’étais données, ce qui ne veut pas dire qu’il ne me reste rien à accomplir. J’ai encore plein de choses à réaliser, mais j’ai fait tout ce que je rêvais de faire en priorité. Disons-le comme ça.»


Comment vos passions se transforment-elles au fil des années?

«Avec les cheveux blancs, on devient peut-être un peu plus philosophe. Au début, les défis étaient plus physiques et techniques; aujourd’hui, je suis beaucoup plus sensible au milieu de vie des lieux que j’aborde. Je ne porte plus le même regard sur les choses; j’aime apprendre, j’aime comprendre, j’aime apprécier l’environnement qui m’entoure. L’aventure devient définitivement plus humaine, sociale et environnementale. L’Himalaya, par exemple, se dresse face à un peuple qui le regarde tous les jours, qui s’en inspire. La montagne fait partie de leur culture. On y joue avec l’ombre et la lumière de la montagne pour pouvoir cultiver la terre et nourrir les familles. La fonte des glaciers apporte l’eau nécessaire à leur survie.»


Vous semblez être dans un mode de transmission et de partage de vos expériences et de vos connaissances…

«En effet, je donne des conférences au sein des entreprises et dans les écoles. Je me sens investi d’une mission d’aller à la rencontre des jeunes. En 15 ans, j’ai rencontré plus de 200000 jeunes. Pourquoi je le fais? Parce que je crois que si je peux transmettre des messages d’espoir aux jeunes, les aider à accomplir leurs rêves, je vais continuer à le faire longtemps. Si mes propos aident un seul jeune à ne pas quitter l’école, j’aurai gagné.»


Quel regard portez-vous justement sur la jeunesse d’aujourd’hui?

«Comme l’ensemble de la population, les jeunes bougent peut-être un peu moins. C’est vrai qu’ils peuvent passer beaucoup de temps devant un ordinateur, mais ça les rend plus curieux et ouverts sur le monde. Leurs recherches et travaux se sont beaucoup étoffés avec l’arrivée d’Internet par exemple. Les choses ont changé. Jeune, la punition était de rester dans sa chambre. Aujourd’hui, la punition serait presque «sors de ta chambre». Sérieusement, ils sont beaux les jeunes. Cependant, il est vrai que l’effort est moins valorisé qu’avant, mais je dirais que c’est nous, les adultes, qui ont changé la donne en nous engageant un peu moins en ce sens. On a la jeunesse que l’on forme, vous savez. On les a peut-être trop gâtés, on a peut-être oublié de leur transmettre le sens de l’engagement et des responsabilités… Malgré tout, mon regard demeure très positif, car il y a des jeunes avec de sacrés beaux projets. Des jeunes avec une conscience collective, voire planétaire, que nous n’avions pas. L’environnement, par exemple. Ca m’encourage de voir ça.»


Quelle chance considérez-vous avoir eue dans la vie?

«La chance de pouvoir accomplir mes rêves et celle d’avoir partagé ma passion avec d’autres passionnés dont ma compagne Nathalie qui, avec moi, a escaladé quatre des sept plus hauts sommets du monde. Et avec mon ami Thierry Petri, avec qui j’ai traversé la Terre de Baffin, le Groenland et atteint le pôle Sud.»


Quel est votre plus beau souvenir de montagne?

«Le Rocher Blanc, bien sûr. Mais certainement aussi l’atteinte du pôle Sud, l’endroit le plus lointain et le plus inhospitalier de la planète. Après deux mois et demi d’efforts, quand on y arrive, déshydraté, affamé, courbaturé, il y a cette fierté d’avoir atteint l’axe de rotation de la Terre, rien de moins. Et je me rappellerai aussi toujours, bien sûr, mon arrivée sur le toit du monde, l’Everest, là où, quand on enlève son gant, on a cette sensation de toucher le ciel.»


Quel est votre prochain défi?

«Continuer à cultiver l’amour et poursuivre ma démarche avec les jeunes, en partageant avec eux la puissance de la nature, l’engagement et la sauvegarde de l’environnement.»


Pour en savoir plus sur Bernard Voyer, visitez son site internet

bernardvoyer.com


 

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