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photos Mario Cyr  |  Serge Boudreault  |  Pierre Dunnigan  |  François Prévost

PLONGEUR EXTRÊME

MARIO CYR / PLONGEUR GLOBE-TROTTER

Publié le 1 juin 2014,

 

NEZ À NEZ AVEC UN OURS POLAIRE HAUT DE TROIS MÈTRES, ATTAQUÉ PAR UN MORSE À 25 MÈTRES DE PROFONDEUR ET DÉCLARÉ CLINIQUEMENT MORT PAR NOYADE DANS LES EAUX GLACÉES DE L’ARCTIQUE, MARIO CYR EST TOUJOURS BIEN VIVANT ET PLUS DÉTERMINÉ QUE JAMAIS À CAPTURER DES IMAGES QUI DONNENT FROID DANS LE DOS.

Loin de lui l’idée de dire qu’il ne connut jamais la peur. En toute humilité, le plongeur émérite — reconnu comme l’un des six plongeurs en eau glacée les plus recherchés au monde par le National Geographic, Discovery et la BBC — admet avoir eu à quelques reprises l’impression de vivre dangereusement.

 

Spécialiste du froid extrême, Mario Cyr a «plongé» tête première dans les plus grandes aventures sous-marines, de l’Antarctique à l’Arctique en passant par le Groenland, la Russie et la Norvège. Il a croisé sur son parcours une faune marine mythique à glacer le sang de tout être normalement constitué: ours polaires, morses, requins blancs, phoques-léopards, bélugas, baleines et j’en passe. Loin de l’ébranler, ces rencontres sont un véritable carburant pour le plongeur en quête d’images inédites.

 

En 37 ans, il a plongé dans toutes les conditions, sous toutes les latitudes, à toutes les profondeurs, spécialement dans les eaux glacées où le corps subit d’énormes pressions. «Lorsqu’on descend à des profondeurs de 110m (355 pieds), on a souvent jusqu’à 5 bouteilles autour du corps dans lesquelles on a fait des mélanges gazeux qui permettent de modifier l’air que l’on respire. Si tu ne fais pas les bons mélanges d’oxygène et d’azote, si tu ne respectes pas les paliers de décompression, tu peux facilement t’intoxiquer et l’aventure se termine ici», admet le plongeur-caméraman, conscient des dangers du métier, mais déterminé à le mener de la façon la plus sécuritaire qui soit.

 

Quand on l’écoute raconter ses péripéties, on a pourtant tendance à croire qu’il prend des risques, beaucoup de risques. C’est que la quête du frisson fait aussi partie des raisons pour lesquelles il exerce ce métier. «Je sais ce que je fais, je sais où je vais et jusqu’où je peux me permettre d’aller. Je vois moi-même à la préparation de l’équipement et pour le reste, je m’en remets à mon sixième sens», soutient le plongeur.

 

 

LA QUÊTE DU FRISSON

 

Mario Cyr n’hésite pas à parler d’un véritable buzz d’adrénaline quand il doit descendre à 70m sous la glace par un minuscule trou à la surface de l’eau glacée de l’Antarctique. «C’est l’ivresse des profondeurs. Entre nous, on appelle ça l’effet martini. À plus de 30m, ça équivaut à l’effet d’un martini; à près de 40m, on grimpe à deux martinis; à 50m, on ressent l’effet de trois et ainsi de suite.» Ainsi, l’intoxication par l’azote contenu dans les bonbonnes crée un buzz à saveur de récidive. Lorsque bien contrôlé, l’effet est extraordinaire, voire euphorisant. «À 110m, c’est le plus beau feeling qui peut exister sur terre. Le fil entre la vie et la mort semble aussi mince qu’une lame de rasoir. Je pense qu’il n’y a rien d’aussi puissant que ça. Par contre, à la moindre erreur, au moindre dysfonctionnement de l’équipement, tu meurs!»

 

Il y a aussi l’autre buzz, celui qui vient du contact direct avec la faune marine. Depuis le temps, et après des milliers de plongées, Mario Cyr est arrivé à établir une complicité avec les mammifères qu’il côtoie sous les mers. «Je leur parle, je les rassure, je m’approche lentement et j’observe le moindre mouvement, frisson, avertissement. Tous les animaux vont prévenir avant d’attaquer.»

 

Mario se souvient encore de sa première plongée à Igloolik, en Arctique. C’était en 1991. Il était le premier à plonger avec les morses. Les Inuits lui disaient qu’il ne s’en sortirait pas vivant. «Je me rappelle m’être dit — c’est juste un gros phoque avec de grosses dents — et j’y suis allé.» Il est d’abord descendu dans une cage, une fois, deux fois, trois fois. Quand le morse a semblé l’avoir apprivoisé, il est sorti de sa cage pour s’en approcher. Les images qu’il a capturées lui ont valu une palme d’or au National Geographic.

 

 

LE BUZZ ABSOLU

 

Plonger avec les ours polaires est une activité très récente. Mario Cyr a été parmi les premiers à essayer, il y a cinq ans. «À force de les étudier, on s’est aperçu que l’ours polaire est beaucoup plus à l’aise pour chasser le phoque sur la banquise. Sous l’eau, il ne s’en occupe même pas. J’ai pensé qu’en me faisant passer pour un phoque, je pourrais m’en approcher.»  Les images qu’il a tournées à Repulse Bay, sur le cercle polaire, sont hallucinantes. «Pour y arriver, j’ai appris à jouer à cache-cache avec l’animal et à surplomber ma ceinture pour
descendre à la vitesse grand V, si jamais…»

 

Du côté de Port Elizabeth en Afrique du Sud, il y a le Sardine Run où, chaque année, des millionsde sardines migrant vers le Mozambique déchaînent les appétits. «On plonge littéralement dans une soupe. Il peut y avoir jusqu’à 3000 dauphins qui viennent se nourrir ici. Au-dessus de l’eau, des milliers de fous du Cap (leurs fous de Bassan) plongent tête première en quête de nourriture. Autour de nous, tu vois ça arriver de tous côtés: les requins blancs, les requins cuivrés, les dauphins et les baleines. On doit se recroqueviller jusqu’à former une boule, question de ne pas se faire mâchouiller une jambe ou un mollet.» Tout ça avec une caméra de 40 kilos (ultra coûteuse) et un équipement de 50 kilos sur le dos. «Tu remontes dans le zodiac épuisé en ayant l’impression de peser 800 livres. Mais quel buzz

 

À 54 ans, Mario Cyr se fait plus sage. «J’ai toujours dit que je ne mourrai pas en plongée. Je connais ma condition physique et j’ai confiance en moi. Ça n’arrivera pas.»

 

 

SES TROIS SPOTS DE PLONGÉE AU QUÉBEC

LES ESCOUMINS (CÔTE-NORD): feeling extrême à 30-40m de profondeur.

LES ÎLES-DE-LA-MADELEINE: pour les fonds de pêche au homard, au large, à moins de 100 pieds de profondeur.

LA GASPÉSIE: au large du parc national Forillon et du côté de Percé.

 

ET LA PLANÈTE AU FOND?

«Les écosystèmes sont extrêmement fragilisés. On est en direction d’un mur de béton et on fonce à 100 milles à l’heure dedans. Les changements climatiques (attention, certains endroits vont plutôt se refroidir!) créent de grandes mouvances. L’eau se refroidissant à des endroits, se réchauffant à d’autres, la masse océanique se déplace. Prenez le Gulf Stream qui réchauffe la région de Bordeaux. C’est grâce à lui si les vins sont si bons et les vignes si fertiles. La situation pourrait bientôt changer. Même le règne animal se modifie. Certaines espèces prolifèrent tandis que d’autres, comme l’ours polaire, sont en voie de disparition. La nature essaie elle-même de se sortir d’un marasme causé par l’homme. La situation est alarmante.»

– Mario Cyr

 

 

LE SAVIEZ-VOUS?

22% DES OURS POLAIRES ONT DISPARU DE LA BAIE D’HUDSON AU COURS DES 12 DERNIÈRES ANNÉES.

UN OURS POLAIRE SE NOURRIT HABITUELLEMENT DE 35 À 50 PHOQUES PAR AN.

ON TROUVE DES REQUINS DU GROENLAND DANS LA RÉGION DE BAIE-COMEAU, DES ESCOUMINS ET DU FJORD DU SAGUENAY.

SOUS UNE EAU À 0 DEGRÉ CELCIUS, LA TEMPÉRATURE DU CORPS SE REFROIDIT 25 FOIS PLUS VITE QU’EN SURFACE, À LA MÊME TEMPÉRATURE.

Volume - 13

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